Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date

Depuis 1970, nous dépassons les capacités de la Terre à combler nos besoins et à se régénérer en même temps. Au niveau mondial, il faut maintenant 1,7 planète pour y arriver. Le Canada, classé parmi les 10 pays les plus gloutons, consomme 4,8 planètes afin de maintenir notre niveau de vie actuel.

Devant cette situation, nous devrions nous attendre à l’adoption de mesures radicales pour rétablir la viabilité de la planète. Au contraire, l’objectif visé, à chaque année, est la croissance économique. Et croissance économique implique chaque fois davantage d’extraction de matières premières non renouvelables, d’utilisation d’énergies fossiles, d’émissions de gaz à effets de serre. Comme si nous vivions sur une planète à ressources infinies.

 

Le cul de sac est à l’horizon

La terre nous procure les ressources naturelles indispensables à notre développement : les plantes, les métaux, les minéraux non métalliques (sable, gravier et calcaire), les combustibles fossiles et l’eau. C’est la façon dont nous avons utilisé ces ressources qui nous a amenés à la situation actuelle.

Avant l’ère industrielle nous produisions et consommions pour nos besoins avec des énergies renouvelables telles que la force musculaire, animale ou encore éolienne (moulins à vent) ou hydraulique (roues à aube). Puis, les découvertes scientifiques nous ont permis d’apprivoiser l’utilisation des métaux, la force des combustibles fossiles, les techniques d’agriculture chimique et j’en passe. Depuis à peine une trentaine d’années, les technologies de l’informatisation ont poussé la production et la consommation tous azimuts, non plus en fonction de nos besoins mais de nos désirs en prenant pour acquis que tout ce qui était techniquement réalisable faisait partie du PROGRÈS.

Ainsi sur l’espace de moins de 50 ans (1970 à 2017), l’utilisation des matières premières a triplé. Il faut comprendre ici que ces matières premières ont pris, bien souvent, des dizaines de millions d’années à se former (pétrole, métaux, etc.). Nous arrivons à des pics, c’est-à-dire des sommets à partir desquels le déclin des ressources va commencer ou a déjà commencé. C’est le cas du pétrole où les réserves souterraines diminuent et celui qui reste est de plus en plus difficilement exploitable.

Certains experts, dont ceux de l’Agence internationale de l’énergie, affirment que le pic pétrolier mondial du pétrole conventionnel a été atteint entre 2000 et 2010 obligeant l’extraction par fracturation du gaz de schiste et des sables bitumineux afin de combler la demande.

De même, certains métaux ne sauraient absolument pas soutenir une exploitation similaire à celle en cours actuellement. Nous devons y ajouter la rareté de certains métaux qui entrent dans la composition de nos appareils électroniques qui ne pourront longtemps être au menu pour satisfaire la production de nos joujoux préférés.

Les terres cultivables se raréfient et les mers s’acidifient, elles sont surexploitées et deviennent moins aptes à satisfaire les besoins fondamentaux de l’humanité.

C’est ce type de développement, on le sait, qui a occasionné la pollution de la planète au point où, selon l’ONU, 19 millions de décès prématurés surviennent chaque année dans le monde en raison des facteurs de risque liés à l’environnement. Et nous croulons sous le poids des déchets de toutes sortes.  C’est ce même développement que nous avons pris pour du progrès qui a entrainé le réchauffement du climat avec ses conséquences sur les écosystèmes de la planète.

1,7 planète, c’est invivable à terme. Que dire de 4,8 planètes ? Aujourd’hui, nous sommes 7,7 milliards d’habitants sur la terre, Qu’en sera-t-il avec 9,7 en 2050 et 11,2 en 2100 selon les prévisions ?

 

Quelle voie emprunter ?

Non seulement il faut accélérer la réduction des émissions de GES, il faut y ajouter la réduction de l’extraction des ressources minérales au maximum, laisser les énergies fossiles où elles sont, se concentrer sur la production des besoins fondamentaux de tous les Humains, préserver la biodiversité de la nature. Mais quel défi !

Quand y pense sérieusement, on se demande bien comment on pourra y arriver car tout va en sens inverse. À preuve, avec l’arrêt de l’activité économique due à la pandémie, qu’espérons-nous ? Eh oui, le retour à la situation antérieure, croissance économique en sus. 4,9 planètes puis 5. Insensé, non ?

Mais la réflexion se poursuit. Nous sommes maintenant équipés scientifiquement pour comprendre la situation et suivre son évolution (le GIEC et tous les chantiers de recherche dans le monde), les pays réunis autour de l’ONU tentent de se donner des objectifs à atteindre pour mettre les freins à ce développement débridé et des expériences « vertes » se mettent branle. Puis la mobilisation s’organise.

Les années que nous vivons seront cruciales pour déterminer le cours de l’histoire. Les organismes internationaux tels que l’ONU, le FMI, l’OCDE plaident pour une économie verte basée sur les principes du développement durable. Les experts nous répètent à satiété qu’il faut réagir d’ici 2030, puis 2050, afin de stopper le « paquebot » du réchauffement climatique pour 2100. La conscience de la nécessité d’inventer un nouveau système de production/consommation s’amplifie.

Le concept d’économie circulaire fait partie de ce « nouveau en émergence » puisqu’il oblige la réduction radicale de l’exploitation des ressources non renouvelables tout en réduisant les émissions de GES. L’économie circulaire consiste à faire circuler au maximum les ressources impliquées dans les produits finis et que cette circularité soit planifiée dès la conception des produits jusqu’à leur consommation finale en passant par la production, la consommation, le recyclage, la réutilisation. L’objectif ultime étant de revenir au respect des ressources que peut produire notre planète Terre.

 

Plaidoyer pour un nouveau projet de société

Poursuivre la CROISSANCE ÉCONOMIQUE telle que nos économistes nous y invitent nous pousse chaque année davantage vers l’épuisement des ressources. Ajoutons au défi quelque 3,5 milliards de personnes sur la planète d’ici la fin du siècle, aspirant légitimement à notre niveau de vie et nous avons un cocktail explosif de guerres pour les territoires et pour les ressources, de migrations forcées, de cataclysmes naturels provoqués par nos activités débridées, de dictatures, et j’en passe.

Avons-nous vraiment le choix ? À moins de nier l’évidence, il faut s’insérer dans la grande réflexion sur l’avenir de la Planète et, par conséquent, de l’Humanité. C’est un nouveau projet de société que nous devons mettre en chantier.  Il faudra faire appel à nos valeurs les plus fondamentales et oublier un mode de vie qui, comme au Canada, exige 4,8 fois les capacités de notre Terre.