Il est difficile de ne pas faire d’analogie entre la pandémie actuelle et la crise climatique. Beaucoup d’encre coulera encore sur ce sujet. J’en ajoute ici en vous proposant une comparaison entre les deux types de crise et la nécessité de les arrimer au niveau des solutions.

 

 

La crise du coronavirus : un remède à l’horizon

La crise du coronavirus est de nature accidentelle, inhérente au développement de la vie sur terre : un virus, une maladie. Elle fut soudaine et imprévisible. Les experts nous alertaient bien, en termes vagues :

« C’est certain que nous ferons face à une pandémie sanitaire mais on ne peut vous en prédire la nature, l’ampleur ni quand elle se produira».

Elle frappe fort en ampleur, tous les pays ou presque en sont atteints. Par contre, elle s’inscrit dans un temps court même si le confinement nous apparait long. Elle trouvera une solution définitive, sécuritaire, dans un an, un an et demi. La science nous l’assure, on doit attendre le vaccin. On prédit aussi un certain retour à la « normale » au plan économique.

 

La crise du climat : une fois le pic atteint, il sera trop tard

La crise du climat quant à elle, s’inscrit dans un temps long et a été annoncée depuis quelque 50 ans. Elle n’est pas un accident de la nature, elle résulte de l’activité humaine, on pourrait dire de l’aveuglement volontaire parce que cela nous servait à court terme. Ainsi, on a mis en place tout un système économique qui soumettait la nature sans en respecter ses rythmes naturels.

À titre d’exemple, le cycle naturel de la formation du pétrole (et du gaz naturel) s’échelonne sur des dizaines de millions d’années. C’est donc une ressource non renouvelable. Nous avons tellement pompé de pétrole depuis le début de l’ère industrielle que nous aurions atteint le pic (dépassé le pic c’est le déclin graduel) de son extraction possible.

Concernant les minéraux et les métaux, c’est un constat semblable, illustré par l’avertissement suivant :

« … si l’on poursuivait pendant 270 ans – durée de l’ère industrielle jusqu’à aujourd’hui – le taux de croissance de la consommation de matières que nous avons connu ces dernières décennies, soit 3,5 % l’an, nous finirions par devoir extraire 10 000 fois plus d’acier qu’aujourd’hui »[1].

Il aura donc fallu des millions d’années pour que se forment les ressources fossiles sur lesquelles repose notre développement et seulement 250 ans d’exploitation pour arriver à leur sommet d’exploitation. Par contre, cela fait quelque 50 ans que les scientifiques nous avertissent que cette exploitation débridée ne respecte pas le rythme de la nature et que nous vivons sur une terre limitée en ressources.

Le GIEC, particulièrement, nous implore d’arrêter ce modèle de développement : nous devons atteindre la carboneutralité (0 émission nette de GES) pour 2050 et pour y arriver se donner une étape intermédiaire avec des réductions de 45 % d‘ici 2030. Dépassé un réchauffement de 2 degrés C, nous ne savons pas trop ce qui nous attend, tout peut s’emballer et engendrer des transformations irréversibles.

Avec la COVID-19, nous avons su dès le début qu’il existait une réversibilité et un remède à venir, ici avec la crise climatique, nous ferions face à une situation jamais vécue. La solution extrême, dans le cas de la COVID-19, réside dans l’isolement les uns des autres jusqu’à ce qu’aucune personne ayant le virus ne circule dans la communauté.

Dans le cas du réchauffement climatique la solution n’est pas aussi simple. Les émissions de GES qui provoquent le réchauffement du climat agissent à long terme sur des écosystèmes planétaires complexes : l’atmosphère, les océans et les glaciers, le sol et le sous-sol et la vie.

Lorsque les océans deviennent plus chauds et plus acides, lorsque l’atmosphère devient polluée, lorsque les sols deviennent incultes, lorsque le pergélisol fond, la situation ne se renverse pas en 15 jours. Les experts évaluent que :

« Face au réchauffement, compte tenu de l’inertie du stock de CO2 accumulé dans l’atmosphère, le délai de réaction des variables climatiques à une baisse des émissions est plutôt de l’ordre de 20 ans »[2].

La solution ne sera pas le confinement volontaire, ni la découverte d’un vaccin mais l’arrêt rapide des émissions de GES.

 

Le leadership doit venir des autorités gouvernementales

Des milliers d’experts nous ont fait la preuve que le réchauffement était d’origine anthropique. De même, ils nous ont convaincus qu’un tout petit degré d’augmentation de température provoquait l’acidification des océans, la fonte des glaciers et du pergélisol, la sécheresse et l’acidification des sols, des déplacements massifs de population, des inondations, des feux de forêts et, non la moindre, la perte de la biodiversité. Il faudra beaucoup de courage pour s’attaquer résolument à cette problématique.

Si le coronavirus peut être vaincu État par État et, qu’à la limite, on pourrait vivre en relative autarcie durant un certain temps, ce n’est pas le cas pour venir à bout des émissions de GES. Il faudra l’engagement de toute la planète, coordonné par une organisation internationale. Les GES n’ont pas de frontière, pas davantage que les écosystèmes en cause.

 

Arrimer la sortie de crise de la COVID-19 à la lutte au réchauffement climatique

Il est indéniable que la pause obligée du développement économique due à la pandémie fera diminuer de façon importante les émissions de GES dans l’atmosphère planétaire. Production et consommation réduites, déplacement des personnes presqu’au point mort : voilà un grand bien pour la planète, pourrions-nous dire ?

Puisque que nos modes de vie seront bousculés et que la reprise sera lente pourquoi ne pourrions-nous pas arrimer cette reprise à la réduction des GES ? Il serait surement pertinent que, dès maintenant, une équipe d’experts puissent s’atteler à cette tâche de l’arrimage, tant au niveau national que de chaque province. Mieux encore, pour le Québec, ajouter le ministère de l’Environnement au quatuor des ministères économiques déjà en formation pour planifier l’après-crise de la COVID-19.

On pourrait supputer des meilleures chances de contenir les émissions de GES en privilégiant, dans les plans de relance, des secteurs économiques ou encore des types de consommateurs qui acceptent de mettre au cœur de leurs préoccupations la réduction des émissions de GES. Densification des territoires, petites cylindrées et électriques, agriculture de proximité, circularité de l’économie, télétravail, réutilisation des biens de consommation et de la matière, etc.

Tout comme pour la COVID-19 où les citoyens demandent des scénarios de sortie de crise, on devrait prévoir des cibles de réduction de GES quantifiées dans des activités précises, quitte à les réviser en cours de route.

Si le grand maître d’œuvre doit être supranational, la mise en application devra s’effectuer au niveau national et provincial pour le Canada. L’expérience de la lutte au coronavirus plaide en ce sens.

Finalement, on ne peut passer sous silence que la solution au réchauffement climatique demandera des efforts de solidarité d’une ampleur jamais encore déployée à savoir au niveau de la planète entière. L’autarcie ne fera pas partie des options. L’enjeu est d’éviter d’attendre que l’irréversible ne se produise. Tout se joue maintenant.

 


[1] Vers une économie authentiquement circulaire – Réflexions sur les fondements d’un indicateur de circularité, Christian Arnsperger et Dominique Bourg, dans Revue de l’OFCE, 2016.

[2] Avec la COVID-19, une décrue historique des émissions mondiales de CO2 est amorcée, Christian de Perthuis , Connaissances des Énergies, 20 mars 2020.

 

Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date