Collaboration spéciale de Yves Nantel
Ancien travailleur et militant de longue date à l’ACEF

Chaque année, les médias font écho des profits mirobolants des grandes banques, par exemple, et en même temps des revenus de leurs directions.

Comme citoyen-ne, nous constatons qu’il s’installe une différence importante au niveau de nos revenus et de ceux des dirigeants de notre société, particulièrement au niveau des grandes entreprises.

Comment peuvent-ils gagner des revenus de plusieurs millions de dollars annuellement alors que nous n’en gagnons que quelques dizaines de milliers ? Sont-ils plus intelligents que nous ? Paient-ils leur livre de beurre ou leur litre de lait plus cher que nous?

Bref, les inégalités économiques et sociales entre les plus riches et les bas revenus s’accentuent dangereusement et, de surcroit, la classe moyenne dépérit. Et les statistiques qui sortent démontrent que notre perception est bien exacte : l’écart entre les riches et les pauvres s’accentuent.

 

Comment mesure-t-on les inégalités ?

Il y a deux façons de vérifier ces inégalités :

  • mesurer l’écart entre les revenus;
  • mesurer le taux de pauvreté dans notre société.

La mesure des inégalités de revenus s’effectue en comparant l’évolution des revenus des plus riches avec ceux des plus pauvres. La mesure du taux de pauvreté s’effectue en mesurant le nombre de personnes ou familles qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté établi par les agences officielles dont Statistique Canada. Nous traiterons ici des inégalités sociales.

Retenons deux statistiques pour illustrer notre propos :

« Alors que le PIB au Québec [l’ensemble de la valeur de la production] a progressé de presque 50 % entre 1981 et 2011, le revenu médian des familles a reculé. »

« Le revenu du 1 % le plus riche au Québec a presque doublé durant cette période passant de 243 500 $ à 477 000 $, alors que celui du 99 % restant n’a progressé que de 6 %, passant de 28 900 à 30 700 $.»

Dans une société égalitaire, la production de la richesse totale (PIB) ne devrait-elle pas profiter à tous ?

 

Des mythes à déboulonner : «Qui veut, peut !»

On veut volontiers nous faire croire que les personnes sont principalement responsables de leur situation financière et sociale. Plus elles travaillent fort, plus elles ont de chance de monter dans l’échelle des salaires et sociale.

Il n’est pas de mon propos d’affirmer qu’il n’y a pas une part de vrai dans cette affirmation, dans cette pensée populaire, mais on a vite atteint la limite de cette affirmation. Ce n’est pas vrai que «Qui veut, peut»; tous et toutes n’ont pas les mêmes chances !

Les personnes qui naissent dans des familles défavorisées sont loin d’avoir les mêmes possibilités que celles qui naissent dans une famille aisée.

Par exemple, les écarts d’espérance de vie de 11 ans entre différents quartiers de Montréal existent malgré des efforts de les diminuer. Devinez quels quartiers présentent l’espérance de vie la plus basse ?

Cette situation est confirmée par de multiples études sociologiques et n’est pas contestée. C’est le cas au niveau de la santé, du niveau d’éducation, de l’accès à des emplois décents, etc.

À l’autre bout du spectre pouvons-nous dire que c’est grâce à leurs efforts que les dirigeants d’entreprises gagnent des salaires mirobolants ? Ne sont-ils pas issus de familles déjà favorisées ? Et méritent-ils les salaires qu’on leur attribue ?

Si l’on veut vraiment combattre les inégalités, il faut arrêter de propager ce mythe de « Qui veut, peut » et regarder du côté de l’organisation même de la société.

 

Deux stratégies pour réduire les inégalités

La façon dont la société est aujourd’hui structurée provient de décisions prises au fil des années, elle n’est pas inscrite dans des gènes sociétaux ou ne provient pas de la «Main de Dieu». Autrement dit, ce n’est pas une fatalité !

Nous sommes devant deux attitudes différentes face à la réduction des inégalités sociales :

NÉOLIBÉRALISME

  • une tendance qui dit que les individus sont principalement responsables de leur situation, qu’il faut donc diminuer le rôle de l’État dans le rétablissement de la situation, ce qu’on nomme le néolibéralisme.

SOCIAL-DÉMOCRATIE

  • et de l’autre côté, ceux qui affirment que c’est principalement l’organisation de la société qui doit être repensée pour retrouver un équilibre relatif entre les individus ou les groupes d’individus et que l’État a un rôle majeur à ce niveau, c’est la tendance social-démocrate.

Nous avons ces deux tendances à l’œuvre dans la conjoncture actuelle et nous devons constater que c’est la première tendance qui est au poste de commande.

« Est-ce par hasard que c’est depuis la montée du néolibéralisme (depuis une trentaine d’années) que l’on a vu croitre les inégalités de façon démesurée ? »

 


>>  Dans un prochain article, nous allons déboulonner d’autres mythes tenaces qui nous empêchent de s’attaquer au problème et avancer des solutions pour résoudre les inégalités.


 

Pour approfondir la question, nous suggérons : « Les inégalités sociales – un choix de société ? Mythes, enjeux et solutions » de l’Institut du Nouveau Monde, 2016.