Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date

Depuis 1990 [1], les émissions de GES au Canada sont passées de 602 Mt éq C02 (millions de tonnes) [2] par année à 720 Mt en 2015, puis à 729 Mt en 2018. Le Canada est-il sur la voie de respecter ses engagements de réduction de ses émissions de GES de 30 % d’ici 2030 ?

J’y répondrai en deux chroniques, la première tente de situer le plan actuel du gouvernement, la deuxième ses possibilités de réussite.

 

Contexte

Durant cette période, nous avons passé par la gouverne de trois gouvernements : libéraux jusqu’en 2006, conservateurs de 2006 à 2015 et re-libéraux de 2015 à aujourd’hui.

On pourrait les caractériser ainsi :

  1. les premiers s’engageaient au rythme des discussions et consensus internationaux;
  2. les seconds ont fait reculer la prise en charge canadienne. Pensons au retrait par les Conservateurs du protocole de Kyoto en 2007 s’alignant alors sur la position américaine. Pensons aux purges dans le financement de la recherche et au peu de préoccupations environnementales en général;
  3. les troisièmes ont repris la place du Canada s’affirmant même comme leader international en signant l’Accord de Paris dès leur arrivée au pouvoir en 2015 et par l’élaboration et la mise en application du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.

Ce Cadre, mis à jour au cours des années, est toujours celui qui s’applique aujourd’hui. Il m’apparait important de le comprendre afin de mieux juger des nouvelles orientations que le gouvernement doit nous soumettre sous peu.

 

Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques [3]

Le Cadre pancanadien a été élaboré avec les provinces et les territoires et adopté en décembre 2016. C’est le premier plan canadien de lutte au réchauffement climatique mis en application puisque le précédent, le Plan vert, fut abandonné lors de l’arrivée au pouvoir des Conservateurs.

Il comprend, entre autres:

a) les objectifs à atteindre dans la lutte aux changements climatiques;
b) la trajectoire projetée des émissions jusqu’en 2030;
c) la mesure phare du plan qu’est la tarification de la pollution au carbone
d) des mesures complémentaires de réduction selon les secteurs d’activités économiques dont l’électricité, les bâtiments, les transports, l’industrie, l’agriculture et les déchets.

De plus, il promeut des initiatives permettant aux communautés de s’adapter aux conséquences du réchauffement et d’autres favorisant la promotion des technologies propres, sans oublier un engagement envers des pays en développement dans leurs efforts de réduction des GES soit 2,65 milliards sur 5 ans.

En annexe, nous y trouvons toutes les mesures mises en place par les juridictions provinciales et les territoires car elles sont partie intégrante des efforts canadiens de la lutte au réchauffement climatique.

 

Où nous en sommes rendus en 2020 ?

Aujourd’hui, le gouvernement affirme gérer plus de 50 mesures pour la réalisation de son Cadre dont :

  • le Fonds du leadership pour une économie à faibles émissions en carbone (2017) avec un budget de 1,4 milliards sur 5 ans,
  • le fonds Défi pour une économie à faibles émissions de carbone avec un budget de 500 millions sur 5 ans,
  • le financement du Centre canadien des services climatiques (2018) devant permettre la cueillette et la diffusion des informations sur la question des changements climatiques.

Au niveau de certaines cibles à atteindre mentionnons :

  • la majoration graduelle de la taxe carbone pour les plus gros pollueurs qui est actuellement de 30 $/tonne à 50 $/tonne en 2022;
  • la fin des subventions à l’industrie pétrolière d’ici 2025;
  • la fermeture des centrales au charbon d’ici 2030;
  • la réduction des émissions de méthane de 40 à 45 % d’ici 2025 (nouveau règlement en vigueur depuis le 1er janvier 2020), etc.

 

Récemment, soit lors de la COP 25 à Madrid en décembre 2019, le ministre Jonathan Wilkinson a réitéré la volonté du gouvernement de respecter ses engagements envers l’Accord de Paris de diminuer ses émissions de GES de 30 % par rapport à celles de 2005 et d’atteindre la carboneutralité pour 2050.

Pour y arriver, il s’est engagé à présenter à la Chambre des communes un projet de loi contraignant le gouvernement à respecter des cibles de réduction établies aux 5 ans; ces cibles étant déterminées à partir d’avis d’experts.

Le Cadre pancanadien constitue le plan d’action du gouvernement fédéral à partir duquel nous sommes appelés à suivre l’évolution de l’atteinte des objectifs et des cibles et d’apporter les critiques nécessaires en vue du respect de l’Accord de Paris.

Il faut mettre en évidence ici que le Cadre pancanadien repose sur les plans de chacune des provinces qui doivent elles aussi poursuivre les objectifs de réduction pour 2030, puis de 2050.

En plus d’impliquer des initiatives relevant de son champ de juridiction (ex. taxe sur le carbone), le Cadre pancanadien comprend des mesures, assorties d’un budget, accessibles aux provinces (ex. réduction des émissions de méthane par la décontamination des puits de pétrole abandonnés). De là la complexité d’évaluer la progression dans l’atteinte des objectifs canadiens sans tenir compte des engagements et des réalisations de chacune des provinces.

J’aborde cette question dans ma prochaine chronique et je tente de répondre à la question initiale : le Canada peut-il atteindre ses objectifs de réduction de GES pour 2030 ?


[1] 1990 correspond au début de la prise en charge du réchauffement climatique aboutissant au Sommet de Rio et la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992 par quelque 195 pays.

[2] Éq CO2 signifie que cela inclut tous les GES : le dioxyde de carbone (CO2) le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et les gaz fluorés.

[3] Source : Quatrième rapport biennal du Canada sur les changements climatiques, Environnement et Ressources naturelles, 17 février 2020.