Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date

Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5Co d’ici la fin du siècle, « il faudrait modifier rapidement, radicalement et de manière inédite tous les aspects de la société ».

Avez-vous l’impression que nous sommes en voie de réaliser ces modifications radicales auxquelles nous convie le GIEC ?

Surement pas après avoir réalisé que le Canada a diminué ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de seulement 2% depuis 2010 et que le Québec ne les a réduites que de 8,7% depuis 1990. Comment arriver à la cible de 37,5 % d’ici 2030 ?

Malgré les mesures appliquées, les gouvernements ont échoué. Leurs plans n’ont pas donné les résultats escomptés. Nous verrons dans cette chronique une voie plus globale à explorer pour diminuer les GES et pour rétablir l’équilibre entre la satisfaction des besoins de l’humanité et celle des capacités de la planète.

 

L’économie linéaire est un échec

Une piste intéressante à considérer est de mettre en place un nouveau modèle économique. Il remplacerait le modèle actuel qualifié d’«économie linéaire» par un modèle d’«économie circulaire». Ce dernier modèle est déjà en expérimentation depuis quelques années dans des pays comme la France, l’Allemagne, la Chine, et plus récemment au Québec.

 

Tout d’abord, caractérisons ce qui est dominant dans notre système économique actuel, sa linéarité.

La finalité du système linéaire est de produire et de « vendre à tout prix », culminant vers une croissance infinie. La mécanique de ce système est ainsi structurée que, de l’extraction des matières premières, à la transformation en produits finis, à leur commercialisation et à l’utilisation par les consommateurs, il en résulte le gaspillage des ressources utilisées, la pollution, des déchets ingérables et le réchauffement de la planète.

La conclusion que l’on en tire aujourd’hui est qu’il faut trouver une alternative à ce modèle économique. Ceci est encore plus évident quand on considère que ce système devra nourrir 2,5 milliards de bouches supplémentaires d’ici 2100. Mais par quoi le remplacer ?

 

L’économie circulaire offre des perspectives intéressantes

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on cherche des moyens de rendre notre économie compatible avec la satisfaction des besoins tout en respectant la planète. Pensons au système coopératif, à l’économie sociale, au commerce équitable.

Aujourd’hui, la réalité est de plus en plus évidente que notre système économique de type linéaire est un échec. Cela nous oblige à penser des alternatives et l’économie circulaire pourrait en être une. Elle demande l’implication de tous les acteurs sociaux (entreprises, institutions publiques, consommateurs) et à toutes les échelles, du local à l’international.

L’économie circulaire se veut une nouvelle façon de produire et de consommer afin d’économiser les ressources naturelles, de répondre aux besoins essentiels des personnes, et de limiter au maximum les conséquences sur l’environnement. La finalité est de ramener la capacité de production de la planète à sa capacité naturelle tout en satisfaisant aux besoins des humains qui y vivent.

Suivant le schéma[1] ci-haut, l’économie circulaire se développe sur deux grands axes à savoir REPENSER et OPTIMISER LES RESSOURCES et s’articule autour d’une douzaine de stratégies.

REPENSER le système de production

Repenser le système de production de façon à réduire radicalement la consommation des ressources naturelles (minéraux, métaux, énergies fossiles, etc.) et de préserver les grands écosystèmes (terre, mer, air et vie).

Pour cela, il faut :

  1. intégrer cet objectif dans le bureau des ingénieurs dès la conception des produits;
  2. utiliser le moins possible de ressources nouvelles;
  3. s’assurer de l’efficacité maximale des procédés;
  4. travailler de concert avec les partenaires du milieu, etc.

Puisque 62 % des GES sont émis durant les phases d’extraction et de transformation des ressources, ainsi que lors de la fabrication des produits[2], cet axe implique particulièrement la responsabilité des entreprises.

OPTIMISER les biens produits

Optimiser les biens produits s’articule autour de trois catégories de stratégies.

1. La première vise à utiliser les produits plus fréquemment (par le partage, par le co-voiturage, par la collaboration entre entreprises locales).

2. La deuxième vise à prolonger la durée de vie des produits par la réparation et l’entretien, le don, la revente ou encore en changeant notre approche aux biens en délaissant la possession individuelle pour l’usage par location.

3. La troisième vise à donner une nouvelle vie aux ressources par le recyclage ou le compostage, entre autres.

Selon Circle Economy, à l’échelle mondiale « de tous les minéraux, des énergies fossiles, des métaux et de la biomasse que nous extrayons, seulement 8,6 % sont recyclés ».

L’idée est de faire circuler, d’utiliser au maximum les ressources impliquées dans la fabrication des biens. Plus encore, c’est de laisser sous terre le maximum de ressources de façon à préserver l’environnement (pensons GES) et à satisfaire les besoins essentiels de l’humanité pour le futur.

Sans se substituer aux autres mesures de réduction des GES, l’économie circulaire, appliquée à toutes les échelles, pourrait s’avérer efficace dans l’atteinte de cet objectif.

 

La Politique québécoise de gestion des matières résiduelles

En plus des mesures déjà en place, le gouvernement du Québec commence à énoncer des éléments de son programme qu’il nous a promis pour le début 2020.

Sa Politique de gestion des matières résiduelles accompagnée d’un Plan d’action pour 2019-2024[3] ainsi que l’élargissement de la consigne des contenants en plastique, métal, verre utilisent des stratégies de l’économie circulaire. De plus, il prépare une modification à la Loi sur la protection du consommateur visant à baliser le phénomène de l’obsolescence programmée.

Ce sont des éléments qui s’inscrivent dans l’économie circulaire mais en s’y intégrant par la lorgnette de la fin de vie des produits : les matières résiduelles et le prolongement de la vie des produits.

Même si on parle de fin de vie des produits, on parle aussi de leur naissance en rendant certaines entreprises responsables de l’empreinte écologique de leur production rendue en fin de vie.

En effet, en fixant des objectifs de réutilisation, de recyclage, de diminution des matières à enfouir et en sanctionnant par des amendes l’absence d’atteinte des cibles, le gouvernement oblige l’écoconception prévue dans le circuit de l’économie circulaire.

Si le plan gouvernemental est muet sur des cibles précises de réduction de GES (on parle plutôt de potentiel de résultats par secteur), il implique sa révision annuelle, manifestant ici une préoccupation d’atteinte de résultats. Allons-nous, comme escompté au Québec, réduire notre empreinte écologique de 25 millions de tonnes de CO2 d’ici 2030 ? C’est à suivre de près.

 


[1] Après avoir consulté les schémas de plusieurs pays, j’emprunte celui de l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC) du Québec, élaboré en 2018 en collaboration avec Recyc-Québec.

[2] Circle Economy, Circularity Gap Report 2020, janvier 2020.

[3] Politique québécoise de gestion des matières résiduelles – Plan d’action 2019-2024, Gouvernement du Québec, février 2020.