Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date à l’ACEF

Dans des chroniques antérieures, je vous mentionnais l’importance de structurer des actions afin de dénoncer l’obsolescence programmée.

Elle est au cœur des tactiques déloyales de surconsommation et elle contribue à augmenter le réchauffement climatique par la production inutile qu’elle entraîne et les difficultés de disposition des déchets générés.

Aujourd’hui, je vous soumets un exemple d’obsolescence programmée et vous informe qu’un nouveau porteur de ballon de ce dossier vient de voir le jour à Sherbrooke.

 

La politique de soutien à la clientèle de Brother

Jean (nom fictif mais histoire réelle) a acheté une imprimante multifonctions de marque Brother il y a de cela 6 ou 7 années. Années de satisfaction avec cet outil.

Voilà que dernièrement, en mettant à jour le micrologiciel, un bogue se produit et l’imprimante ne répond tout simplement plus. Mais plus rien.

Après des recherches infructueuses sur le site de Brother au chapitre des dépannages en cas de problèmes, et sur le moteur de recherche Google pour trouver le moyen de régler le problème, il décide de faire affaire directement avec le support Brother.

Après avoir expliqué le problème et envoyé sa requête, il reçoit la réponse suivante:

«Merci d’avoir contacté le support Brother. Je suis désolé d’apprendre que vous avez des problèmes avec votre unité, mais je serais heureuse de vous aider. Nous aurions besoin de plus d’informations pour mieux identifier le problème et trouver la meilleure solution possible pour vous. 

Afin de mieux vous assistez, pourriez-vous me confirmer votre numéro de modèle ainsi que votre numéro de série? Pourriez- vous nous envoyer une image de l’écran d’imprimante? L’imprimante est-elle branchée au mur directement ou dans une barre d’alimentation? Pouvez-vous brancher votre imprimante dans une autre prise, directement dans le mur? 

De plus, votre machine est également éligible pour le nouveau programme Brother Care Free …»

Jean s’exécute et envoie les informations supplémentaires demandées. Il envoie même un petit vidéo pour démontrer le comportement de l’imprimante. La réponse au problème arrive quelques jours plus tard.

«Merci pour les informations. Il semble en effet qu’un pépin soit survenu au moment de la mise à niveau du microgiciel sur votre appareil. Malheureusement, nous n’avons plus de centre de service affilié au Canada et une réparation serait sans doute couteuse en temps et en argent et pourrait même n’être pas possible.

Nous pouvons vous offrir le MFC-L2750DW au prix de 229.99$ avant les taxes. Ce montant comprend la livraison et notre nouveau programme Brother Care. Ce programme de loyauté vous offre plusieurs avantages: livraison gratuite sur toute commande placée avec Brother; une extension de 6 mois sur la garantie de votre machine, accès aux offres exclusives. La livraison de votre nouvel appareil se fait dans les 5 jours ouvrables. r

Si cette offre vous intéresse, vous pouvez passer une commande avec l’un de nos agents du Clavardage en direct… Le Clavardage en direct est ouvert du lundi au vendredi de 9h00 à 18h00. Au plaisir de vous y voir. »

Que faire devant un cas si flagrant d’obsolescence programmée ? Aucun centre de service Brother au Canada, est-ce possible pour une compagnie de cette envergure ? Aucune tentative de trouver une solution et aucune explication sur la cause possible ou probable du problème; la seule alternative proposée est de jeter au rebut l’imprimante et d’en acheter une nouvelle.

Jean avait déjà constaté de lui-même depuis le début que l’imprimante avait un « pépin », pas besoin de Brother pour faire ce constat. Aujourd’hui, il n’a aucun recours réel contre la compagnie. C’est une situation que la loi devrait corriger.

 

Un projet de loi en vue

Des étudiant-e-s en droit de l’Université de Sherbrooke ont déposé en avril dernier à l’Assemblée nationale du Québec un projet de loi pour contrer l’obsolescence programmée et exiger la reconnaissance du droit à la réparation. Voilà un nouveau porteur de ballon visant à faire cesser cette pratique.

Il s’agirait ici d’actualiser la Loi sur la protection du consommateur (LPC) afin de définir la portée de la garantie légale incluse dans la LPC qui s’applique à tous les produits indépendamment de la garantie du fabricant.

Jade Racine, Philippe Beaulieu et Guillaume Bourbeau, travaillent avec des députés indépendants et des partis de l’opposition et ont déposé au feuilleton législatif le projet de loi qu’ils ont concocté avec leur professeur.

Ils rappellent qu’aux États-Unis, il existe déjà un concept juridique qu’on peut traduire par le « droit à la réparation ». Ainsi, la LPC devrait inclure :

  1. le principe du droit à la réparation ;
  2. l’obligation pour les fabricants d’inscrire sur le produit l’indice de réparabilité ainsi que la durée de vie normale du produit ;
  3. de produire des manuels de réparation avec la description et l’emplacement des pièces ;
  4. l’obligation de fournir les dites pièces à des prix abordables.

Ils sont conscients que le succès dépend de la volonté populaire et ont lancé une pétition qui se terminait le 1er avril visant à faire pression sur le gouvernement pour la mise au feuilleton du projet de loi.

Si une telle loi existait, il y a de fortes chances que Jean aurait eu une bien meilleure possibilité de jouir encore quelques années de son imprimante.

 

La pression populaire doit s’organiser

Il m’apparaît que le mouvement de consommateurs du Québec devrait mettre tout son poids pour appuyer cette initiative des plus importantes pour les consommateur-trice-s québécois-e-s. Il faut être conscient que cette loi se butera à l’opposition générale des producteurs de biens et que seule une très large mobilisation y viendra à bout.