Le Canada et le Québec se sont engagés à l’atteinte de la carboneutralité pour 2050. Cela signifie que tous les gaz à effet de serre émis au pays devront être neutralisés afin d’éviter tout excédent à ce que la planète peut absorber.

Comme cible transitoire en 2030, on devrait avoir atteint une réduction de 40 à 45 % des émissions sur l’ensemble du pays et 37,5 % sur le Québec.

Chaque pays de la planète est prié de faire son effort. Pour y arriver, tous les acteurs impliqués sont sollicités, que ce soient les entreprises, les pouvoirs publics ou les consommateurs.

Dans les pays comme le nôtre, nous avons dépassé très largement les capacités de la planète à satisfaire nos modes de vie. Nous le savons. Pas d’excuses à lésiner. Non seulement il faut freiner, il faut faire un pas en arrière et repenser le tout.

 

Sobriété, efficacité, énergie renouvelable

Notre planète est incapable d’absorber les GES. La rupture annoncée des ressources minérales, agricoles, de la mer et autres, nous obligent à envisager une transition impliquant une modification de nos modes de vie. Elle devra être centrée sur la sobriété, l’efficacité et le transfert vers les énergies renouvelables.

La sobriété relève de la modération dans la consommation, l’efficacité implique l’amélioration des produits et la transition vers les renouvelables oblige l’abandon des énergies fossiles.[1]

À titre d’exemple, au Québec, le transfert aux énergies renouvelables est déjà avancé : 98 % de notre électricité provient de l’eau, l’hydroélectricité. Nous n’utilisons pas de charbon et le gouvernement vient de bannir toute exploration et production des carburants fossiles.

Là où il faut faire le saut, c’est au niveau du transport. La priorité y est accordée, on prévoit avoir passé à l’électrification en 2035. Selon la cible, au Québec, il sera interdit de vendre des véhicules légers à essence (ceux-ci inclus les VUS) à partir de cette date. Il reste des transitions à faire au niveau du chauffage domestique, commercial et industriel puis de la cuisson des aliments. Reste à être strict sur l’atteinte des cibles.

 

Notre responsabilité comme citoyen-consommateur

Pour poursuivre notre exemple : ceux qui en ont les moyens acquerront un véhicule électrique lors de leur prochain achat et s’assureront qu’il correspond à leur besoin, pas plus, afin de demeurer dans la sobriété. D’autres adopteront le vélo ou la marche, le covoiturage ou l’autopartage ou le transport en commun.

Mais quels gestes poser pour avoir le maximum d’impact sur la réduction des émissions de GES ?

Les résultats d’une enquête publiée dans Protégez-vous en mai 2022 rapporte, par ordre d’importance, le consensus des experts sur les secteurs à privilégier :

  1. la consommation,
  2. les transports et les voyages,
  3. la consommation de l’eau et de l’énergie au foyer,
  4. l’achat des produits et services,
  5. la gestion des matières résiduelles.

 

«Le geste ayant le plus d’impact est la diminution de la consommation de produits d’origine animale particulièrement de la viande de bœuf.»

En effet, pour mener un bœuf à l’abattoir, il faut beaucoup d’eau, beaucoup de terres pour le pâturage et pour la production de leur nourriture. Il faut ajouter les émissions, non négligeables, de méthane résultant de leur digestion.

Voyons des chiffres qui parlent : la production de 50 grammes de protéine de bœuf occasionne l’émission de 8,5 à 25 kg de GES alors que le fromage en émet 3,8 kg, le porc 3 kg, la volaille 2,9 kg et les légumineuses 0,4 gr.[2]

Au même chapitre, on mentionne d’éviter le gaspillage alimentaire, d’acheter des aliments produits localement, de réduire et d’éviter les emballages.

Le deuxième secteur de gestes les plus efficaces est le transport : utiliser le transport en commun lorsque disponible, le moins de transport en avion possible, délaisser la voiture ou opter pour la voiture électrique.

La consommation judicieuse de l’énergie au foyer et de l’eau contribue grandement à la réduction des GES : efficacité accrue par l’isolation adéquate des murs, du toit et des fenêtres, sobriété par l’économie d’eau particulièrement d’eau chaude, des électroménagers et des systèmes d’éclairage et de chauffage peu énergivores.

La réduction de l’achat de produits non essentiels avec priorité à la qualité et la réparabilité, priorité au rejet des produits jetables ou à usage unique, priorité aux achats auprès d’entreprises soucieuses de l’environnement.

Et enfin, le secteur des matières résiduelles : utiliser les produits le plus longtemps possibles, les réparer soi-même, donner ou vendre à rabais ceux dont on ne se sert plus, réduire ou éviter les emballages et recycler adéquatement.

Nous avons l’embarras du choix. Probablement que nous posons déjà certains de ces gestes. D’aucuns seront plus faciles que d’autres. Poser des gestes qui comptent et prendre l’habitude de les appliquer au quotidien.

 

Vers un grand débat sur la société future

Devant l’ampleur du défi à relever, on peut penser que nos gestes isolés n’auront que peu d’impact. Mais il faut se dire que le nombre et l’habitude feront une différence, ajoutés aux actions des autres acteurs de la société.

On ne se cachera pas la réalité actuelle à l’effet que l’offre des produits et services de la société basée sur «extraire, produire, consommer et jeter» est toujours dominante.

Nos gestes individuels ne suffiront pas, «l’enjeu de la sobriété devrait viser d’abord le fonctionnement général de la société de consommation : l’organisation du marché en amont, la constitution de l’offre et les signaux adressés aux consommateurs … (la publicité, la mode, l’obsolescence programmée) … Cela demande de revisiter le modèle économique dans son ensemble. Voilà le premier levier de la sobriété».[3]

Il faut s’attendre à ce qu’au gré de l’aggravation des conséquences du réchauffement climatique, nous soyons obligés d’entreprendre le grand débat sur l’adéquation entre la société future que nous voulons et l’état des ressources que la planète peut nous fournir sans s’épuiser. La société dans laquelle nous vivons n’est plus possible.


[1] Source : Édouard Toulouse, La sobriété énergétique, une notion disruptive de plus en plus étudiée, La Revue de l’Énergie No 649, mars-avril 2020.
[2] Source : Poore and Nemecek, Science, juin 2018 utilisée dans l’étude de la revue ProtégezVous de mai 2022.
[3] Marie-Christine Zélem, Sobriété énergétique : mieux consommer, moins consommer, changer de modèle énergétique ? Connaissance des Énergies, 1 avril 2022.

 

Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date
Juin 2022