La 27e rencontre internationale sur le climat (COP 27) se tiendra en novembre prochain en Égypte. Encore une fois, on argumentera qu’il y a péril en la demeure si l’on ne parvient pas à contenir la hausse de la température mondiale à 2 ℃, idéalement à 1,5 ℃. Et que pour y arriver, nous devrons réduire les émissions de 45 % d’ici 2030 et atteindre la carboneutralité pour 2050.

Dans un récent rapport, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) de l’ONU affirme que l’objectif est encore atteignable mais qu’il faudra dorénavant compter sur la capture et stockage du carbone (CSC).

 

Là où le bât blesse

L’on se rappellera que le réchauffement de la planète provient principalement de l’accumulation du CO2 dans l’atmosphère créant alors un effet de serre. Jusqu’à récemment, soit depuis quelque 250 ans, la nature réussissait très bien à absorber les émissions de CO2 qu’elle produisait. Elle le faisait par deux principaux mécanismes soit la mer et le sol et son sous-sol, on dit alors que ce sont deux puits naturels de capture et de stockage de CO2.

Absorbé par les mers, le sol, les arbres et la végétation, le gaz carbonique devient solide (du carbone) et se dépose au fond des océans ou pénètre dans le sol ou encore se stabilise dans les arbres et les plantes. C’est ce procédé qui, au fil des ans, a produit du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Ce mécanisme de la nature agissait avec succès depuis des millions d’années sans accumulation dans l’atmosphère.

Au début de l’ère industrielle, des scientifiques ont découvert graduellement que le charbon, puis le pétrole et le gaz naturel, lorsqu’ils étaient « brulés », produisaient de l’énergie et les entreprises les ont extraits et utilisés pour assurer les progrès technologiques que nous connaissons aujourd’hui. Mais ils n’ont pas demandé l’avis de Dame nature.

Depuis ce temps, la nature a continué de jouer son rôle. Ses puits naturels captent, à leur rythme, le CO2 produit par les activités naturelles de reproduction des espèces. Mais voilà que nous extrayons du sous-sol et des mers le CO2 capté et enfoui depuis des centaines de millions d’années. Et on brûle ces carburants fossiles pour produire de l’énergie, nous déplacer dans des véhicules, nous chauffer, produire des biens et services et j’en passe.

C’est outrepasser les capacités de la planète : les émissions supplémentaires s’accumulent dans l’atmosphère et la réchauffent dangereusement. Comme notre grand écosystème terrestre est mû par des interactions qui s’influencent mutuellement, cela entraîne des changements radicaux dont nous commençons à peine à percevoir les conséquences. Ce que nous voyons tels les feux de forêts, les inondations, les chaleurs extrêmes, la fonte des glaciers, l’acidification des mers, la perte de la biodiversité, etc. n’augurent rien de bien « jojo ».

 

Pouvons-nous stopper l’irréversible ?

L’entité internationale la plus crédible, le GIEC nous dit que oui mais soyons sérieux.

  • Prioritairement, il faut laisser les énergies fossiles là où elles sont et développer des énergies alternatives non émettrices de CO2 à savoir l’éolien, le photovoltaïque et l’hydraulique. Le nucléaire est aussi promu mais ne fait pas l’unanimité.
  • Préserver les puits naturels de CO2. Ce qui veut dire d’arrêter le déboisement des grandes forêts et créer des réserves de préservation et désacidifier les mers.
  • Entretemps, prévoir et financer l’adaptation aux catastrophes en cours et créer des plans d’éventualité pour parer au pire.

Ce qui demande, nous avise le GIEC, des changements globaux, radicaux et rapides de nos modes de production et de consommation.

 

La capture et le stockage du CO2 (CSC) à la rescousse

Mais voilà que depuis plus de 30 ans, les consensus au niveau des pays de l’ONU sur la reconnaissance de la réalité et sur les mesures à prendre pour renverser la situation ne sont jamais atteints. Et même si des décisions sont prises, comme chaque pays est libre de les appliquer.  On assiste à une avancée à petits pas.

Selon les derniers rapports du GIEC, les engagements volontaires combinés des 195 pays signataires de la CCNUCC nous amènent actuellement à un réchauffement d’au moins +2,7 ℃ alors qu’on ne devrait pas dépasser +1,5 ℃. Pour atteindre l’objectif, l’étude de l’ONU estime qu’il faudrait réduire les émissions mondiales de GES de 45 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2010, mais nous serions plutôt sur la trajectoire d’une croissance d’émissions de 13,7 %. Réalisons-nous que c’est dans seulement 8 ans ?

Les CSC consistent à capter le CO2 lors des procédés de production. Il peut être capté avant la combustion, pendant la combustion ou après la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz. Ou encore, on croit être capable de capter le CO2 directement dans l’air ambiant.

Une fois le CO2 capté, il serait transporté par pipelines, par camions, pour être enfoui, à de grande profondeur, dans des mines désaffectées ou dans des puits de pétrole taris ou au fond des océans. Ainsi stocké, le CO2 se minéraliserait et devrait rester emprisonné pendant des milliers d’années.

Il y a à peine deux ans, le GIEC affirmait que les techniques de capture de carbone ne devaient être utilisées qu’en dernier essor. Il y a tout lieu de croire que nous y sommes. Aujourd’hui, devant les manifestations des « événements extrêmes » appréhendés et l’échec de la majorité des plans de transition aux énergies renouvelables, les CSC sont appelés à la rescousse.

Au niveau mondial, la capture et le stockage du CO2 s’intensifient. L’Europe y est très active, de même que la Chine et les États-Unis. La Norvège, leader en la matière, propose ses côtes marines comme lieu d’enfouissement.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, « les besoins de CSC sont colossaux et de plus en plus de pays intègrent cette technologie dans leur politique de décarbonation ». L’Agence envisage la capture de 1,6 milliard de tonnes de CO2 par an dans le monde en 2038 et de 7,6 milliards de tonnes à l’horizon de 2050 alors que cette technologie en capte seulement 40 millions de tonnes par année actuellement.

 

Signe de l’urgence

Les CSC agissent comme bouée de sauvetage pour nos décideurs qui ont jusqu’à récemment boudé l’urgence d’agir. Plus fondamentalement, c’est au refus de remettre en cause nos modes de production et de consommation, qui percolent à la croissance, que nous assistons.

L’engouement actuel envers les techniques de CSC confirme l’échec lamentable de la tentative de contenir le réchauffement climatique dans les limites imposées par Dame nature. Cette dernière n’a que faire de cette esbroufe.  Avec les CSC, nous explorons l’inconnu.

 

Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date