La nature ne réussit plus à assurer l’équilibre
Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date à l’ACEF
Dans cette chronique, nous abordons des éléments clés pour comprendre les changements climatiques:
- les puits naturels de captation du carbone,
- le déséquilibre qu’occasionnent les activités humaines sur le climat,
- les effets sur les grands écosystèmes de la planète.
Le réchauffement du climat provient de l’activité humaine, particulièrement de la combustion des énergies fossiles qui dégage des gaz à effet de serre (GES).
Le problème provient du déséquilibre créé entre les émissions naturelles de GES et les émissions d’origine humaine qui provoquent une surabondance de GES que la nature ne peut plus absorber.
Les puits de captation de GES
Jusqu’à récemment, la nature réussissait à capter le CO2 à son avantage. Les deux principales façons dont la nature s’acquittait de sa tâche passaient par les forêts et les océans. C’est pourquoi on les appelle des puits de captation de GES.
Au niveau de la forêt, la photosynthèse permet de capter le CO2 de l’atmosphère pour en faire profiter les plantes, les animaux, les champignons, etc. Une autre partie du CO2, insoluble, est intégrée au sol pour former les constituants de la lithosphère (sol et sous-sol terrestre). Les forêts répandues à l’échelle du globe sont ici d’un apport capital dans la captation des GES.
Au niveau des océans, c’est un phénomène semblable puisque la surface des océans absorbe le CO2 et le rend soluble permettant aux algues de le capter et de le transformer en matière vivante pour la faune aquatique.
De plus, les mollusques et les coraux fixent une quantité importante de carbonate provenant du CO2. À leur mort, les sédiments s’agglomèrent au fond pour former la lithosphère marine, dont une partie se transforme en pétrole après un processus de millions d’années d’évolution.
On comprend mieux ici l’impérieuse nécessité de préserver les forêts et de ne pas surcharger davantage les océans, ces puits naturels de captation de GES.
Le déséquilibre dû à l’activité humaine
Jusqu’à l’ère industrielle, les principaux GES provenaient des volcans, des feux de forêts, des marais et marécages et de l’altération des roches carbonatées.
Selon le degré de ces activités, la concentration du CO2 variait dans le temps de façon naturelle et un certain équilibre s’opérait. Selon les experts, cette variation a été de l’ordre de plus ou moins 20 parties par million (ppm) au cours du dernier million d’années.
« Depuis le début de la révolution industrielle, la concentration de CO2 a augmenté de plus de 110 ppm en raison de la libération de centaines de milliards de tonnes de carbone de la lithosphère (sous-sol terrestre) vers l’atmosphère par la combustion des carburants fossiles. L’augmentation se poursuit à hauteur de 2-3 ppm par année à cause de l’incapacité des puits de carbone forestiers et océaniques de récupérer tout le CO2 émis par les activités humaines.»[1]
En fait, nous extrayons le CO2 capté par le sol depuis des millénaires (pétrole, charbon, gaz) et nous le retournons à l’atmosphère en quelques décennies. Chaque année, nous créons un déséquilibre plus grand qui provoque le réchauffement climatique qu’on qualifie souvent de « forçage climatique ».
À preuve, une étude toute récente[2] indiquait que le niveau de CO2 dans l’atmosphère est le plus haut depuis 3 millions d’années. Le problème actuellement est la rapidité avec laquelle s’effectue cette accumulation soit depuis le début de l’ère industrielle.
Conséquences sur les grands écosystèmes
La cryosphère, l’hydrosphère, la biosphère et la lithosphère sont des ensembles immenses, complexes et en interactions continuelles.
La cryosphère
Comprend les surfaces glacées de la planète dont les plus sensibles sont l’océan Arctique, le pergélisol (sous-sol arctique) et les glaciers des montagnes.
Selon des données récentes, la température moyenne au Canada a déjà augmenté de 1,7 ℃ depuis 1948 tandis que la température de l’ensemble du nord du Canada a, quant à elle, augmenté de 2,3 ℃.[3]
Comme conséquence, la fonte des glaces est et sera de plus en plus prononcée : les glaciers des montagnes de l’Ouest perdront de 74 % à 96 % de leur volume d’ici la fin du siècle. Le pergélisol fond inéluctablement obligeant des déplacements de population et la reconstruction des bâtisses.
L’hydrosphère
Concerne les océans qui couvrent 71 % de la planète avec une profondeur moyenne de 4000 mètres. Difficile à faire bouger mais difficile à maîtriser par la suite.
Actuellement, le réchauffement climatique affecte déjà la température des océans. L’interaction des océans et de l’atmosphère est responsable de l’accroissement des situations climatiques extrêmes telles que les tempêtes, les cyclones, etc. mais aussi des inondations comme celles que nous connaissons de plus en plus fréquemment au Québec. Les GES surchargent les océans provoquant ainsi une acidification importante faisant dépérir des coraux qui ont su résister depuis des millénaires.
La biosphère
Inclut tout le vivant en relation avec les autres écosystèmes n’est pas en reste. On apprenait en mai 2019, qu’à l’échelle mondiale, 1 million d’espèces sont menacées de disparition. En 2013, 544 espèces vivantes étaient en situation précaire au Québec.
Les canicules de plus en plus fréquentes et fortes affectent les populations et les productions agricoles. Situation nouvelle : des personnes meurent d’insolation, on l’a vu en Europe et au Québec récemment.
Les insectes migrent au gré des conditions favorables. Pensons à la tique à pattes noires, vecteur de la maladie de Lyme qui, suite à des hivers moins froids, a réussi à progresser jusqu’à nous.
La lithosphère
Constituée de la surface et du sous-sol terrestre, est grandement mise à mal. Les sécheresses sévères et à répétition, surtout dans les pays du Sud entraînent des famines et des carences alimentaires. Elles contribuent à la désertification d’endroits autrement propices aux cultures alimentaires mais aussi aux feux de forêts de plus en plus dramatiques dont ceux de Colombie-Britannique et de Californie.
Les violences accrues des tempêtes érodent les berges des grands cours d’eau au point où l’on envisage de déménager des parties de villages au Québec.
Nous n’avons plus le choix
Les scientifiques nous avertissent : il faut agir immédiatement pour contenir le réchauffement de la planète. Au pays, à titre de citoyen-ne-s du monde, nous devons nous assurer que nos gouvernements sont entièrement alignés sur cet objectif.
[1] Claude Villeneuve, Est-il trop tard ? Éditions MultiMondes, 2013
[2] Matteo Willeit, Postdam Institute for Climate Impact (PIK) 03/04/2019
[3] Rapport sur le climat changeant du Canada, Environnement et Changement climatique Canada, avril 2019
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