Justice sociale ou libertés individuelles ?

Notre collaboratrice nous résume les discussions de la «Soirées Relations» sous le thème du revenu minimum garanti, du 28 septembre dernier à Montréal.

Trois panelistes échangeaient leurs points de vue sur les enjeux d’un tel projet social :

  • Marie-Ève Boucher, professeur au Département de relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais,
  • Ève-Lyne Couturier, chercheure à l’Institut de recherche et d’information socio-économique (IRIS)
  • Serge Petitclerc, analyste politique et porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

 


revenu minimum garanti pour tousDepuis quelque temps, l’idée plane de mettre en place un programme d’allocation de revenu social universel garanti au Québec. Mais que sous-tendons-nous par ce projet ?

Pour sa part, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, définit cette allocation comme «un revenu inconditionnel accordé par l’État à chaque citoyen. »

 

Principales caractéristiques

Mesure individuelle

Peu importe le nombre de personnes vivant sous le même toit, chacun des individus a droit au revenu minimum garanti.

Mesure inconditionnelle

Elle n’est en aucun point discriminatoire. Ce qui sous-entend que l’âge de l’individu, les biens que cette personne détient et le montant d’argent que la personne possède dans son compte en banque ne sont pas pris en compte dans l’admissibilité au revenu minimum garanti.

Mesure universelle

Peu importe si l’individu vient d’un ménage plus aisé économiquement ou d’un ménage étant dans une situation financière plus modeste, l’accès au revenu lui est garanti.

 

Les grands enjeux

Selon les panelistes, bien que l’idée semble alléchante au premier abord, des enjeux non négligeables sont reliés à ce projet de société.

Les pours

  • Éliminer la stigmatisation envers les prestataires d’aide sociale
  • Éventuellement briser la boucle qui empêche les personnes sur l’aide sociale d’aller sur le marché du travail
  • Redonner de la dignité aux individus
  • Combattre les inégalités économiques
  • Assurer une meilleure répartition de la richesse
  • Redynamiser l’économie

L’envers de la médaille

L’application du revenu social universel garanti pourrait impliquer un changement des diverses mesures fiscales.

Le revenu minimum garanti est vu comme un remplacement du programme d’aide sociale, des prestations aux familles et aux retraités, des crédits d’impôt aux particuliers et aux entreprises, des prêts et bourses pour les étudiants, des assurances publiques. Éventuellement, il pourrait mener à la disparition de programmes publics tels que la gratuité des médicaments, les subventions aux services de garde et les habitations à loyer modique.

 

Un projet de droite comme de gauche

On pourrait définir le revenu minimum garanti comme un projet de «droite», tel que prôné par l’économiste Milton Friedman puisque l’objectif principal serait l’accomplissement des volontés individuelles de chaque personne.

Ainsi, les choix économiques des individus seraient laissés à leur propre charge. Par exemple, si une personne voulait avoir accès à des assurances, elle serait libre d’aller chercher ce service ou pas. L’État ne lui imposerait pas de payer pour un bien ou un service qu’elle ne souhaiterait pas utiliser.

Si on situe le revenu minimum garanti à «gauche», comme le philosophe André Gorz le promeut, le projet serait une excellente tentative de mettre en place un programme social pour rétablir le bien-être de la collectivité. Il devrait être accompagné de services publics gratuits et universels pour assurer un plus grand équilibre entre les groupes sociaux.

Par exemple, les soins de santé et l’éducation ne devraient pas être soudainement monnayables puisque ce sont des services essentiels pour combattre la pauvreté et veiller au bien-être de la population.

 

Un choix de société

Bref, la manière d’appliquer un éventuel programme de revenu social minimum garanti repose sur le choix de la société que nous voulons adopter. Voulons-nous mettre l’accent sur les libertés individuelles ? Ou souhaitons-nous plutôt penser au bien-être de la société dans son ensemble ?

 

Collaboration spéciale de Sophie Lampron-de-Souza,
étudiante en sciences économiques à l’UQAM