Vite! Adoptons l’économie circulaire
Pour ceux et celles qui suivent de près le développement de la science du climat et les avertissements des scientifiques sur la dégradation de la planète, il y a urgence à intervenir radicalement. Je suis de ceux-là.
J’ai tenté de faire état de ces avertissements dans ma dernière chronique. Depuis, de nouvelles études ont été publiées dont une, gravissime, qui s’invite au moment où je rédige celle-ci : les océans auraient atteint un seuil d’acidité à ne pas dépasser si l’on veut préserver la flore et la faune aquatique. Imaginez : les océans sont les plus grands capteurs naturels de CO2 de la planète et c’est le fait de « stocker » ce carbone qui provoque l’acidification des océans.
On ne semble pas prendre la mesure de ces avertissements. Pire, nos gouvernements marchent sur les talons et abandonnent des mesures considérées essentielles à l’atteinte de nos objectifs de réduction des GES.
À ce jour, même si l’aiguille de la diminution des GES a commencé à bouger dans certains pays, dont le Canada, c’est carrément insuffisant pour atteindre les cibles de 2030 et l’objectif de la carboneutralité en 2050.
L’économie circulaire : une voie prometteuse
Depuis l’ère industrielle, nous avons adopté un processus de développement économique qui est responsable de l’état catastrophique du climat. On parle alors d’une économie linéaire : extraire, transformer, distribuer, utiliser, jeter. Un mode de développement qui entraine la surconsommation des ressources, le gaspillage, la pollution et les déchets.

Au niveau mondial, selon Global Footprint Network, nous utilisons annuellement les capacités de 1,7 planète; nous la surexploitons donc largement. Pire encore, si tous les pays vivaient comme le Canada, il faudrait approximativement 5 planètes. De plus, nous sommes 8,1 milliards d’habitants sur terre : nous devrions atteindre 9,7 milliards en 2050. Et la consommation de matières premières devrait doubler d’ici 2060. Ce n’est pas plus viable. Nous pelletons les problèmes dans la cour de nos enfants et petits enfants.
Une des voies à suivre pour s’en sortir serait d’adopter et d’appliquer intégralement un nouveau concept, celui de l’économie circulaire.
« L’économie circulaire est un système de production, d’échanges et de consommation visant à optimiser l’utilisation de ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités. » (Institut EDDEC, 2018)
Deux mécanismes :
- Repenser nos modes de production-consommation pour consommer moins de ressources et protéger les écosystèmes qui les génèrent;
- Optimiser l’utilisation des ressources qui circulent déjà dans nos sociétés.
Quatre préoccupations majeures :
- stopper puis diminuer les émissions de GES;
- économiser les matières premières;
- préserver la biodiversité;
- respecter les droits humains.

Ce concept est accompagné de 12 stratégies. Certaines s’adressent aux entreprises, d’autres aux consommateurs. Une des plus importantes est l’écoconception qui implique que, dès le début de la création d’un produit ou d’un service, on se pose des questions du genre : quels matériaux et modes de fabrication seront les moins émetteurs de GES sur tout leur cycle de vie. De plus, sera-t-il réparable, réutilisable, recyclable ?
Il s’agit ici de « faire plus avec moins » afin de retrouver l’équilibre entre la capacité de la planète et la satisfaction des besoins raisonnables de ses habitants. Conséquemment, Il sera alors nécessaire de modifier nos modes de production et de consommation. L’économie de type linéaire ne peut plus continuer, cela relève du sens.
Passer de l’économie linéaire à l’économie circulaire implique un changement de paradigme qui obligera de modifier radicalement notre vision du monde, de notre environnement et de nos modes de vie.
L’économie circulaire au Québec
Il existe au Québec des organismes qui appliquent des stratégies de l’économie circulaire. Elles se situent principalement dans la fin de vie des produits dont la récupération, le recyclage, la revente : pensons à Recyc-Québec, les éco-centres, la consigne, les comptoirs vestimentaires, les ventes de garage, l’utilisation des produits alimentaires en fin de vie, etc. La loi sur l’obsolescence programmée et la réparabilité des produits au Québec, récemment adoptée, va en ce sens.
Les entreprises sont peu enclines à s’y conformer. À preuve, une étude démontre que la stratégie de l’écoconception est en avant-dernière position d’utilisation des 12 stratégies, celle qui, logiquement, devrait être la plus utilisée et qui s’avérerait la plus efficace car elle embrasse tout le cycle de vie des produits à écoconcevoir.
Le gouvernement du Québec a adopté une feuille de route du développement de l’économie circulaire pour 2025-2028 mais rien ne laisse entrevoir qu’elle deviendra une réelle alternative à l’économie linéaire, surtout pas, suite aux récentes orientations du gouvernement. Le taux de circularité au Québec plafonnerait à 3,5 %. Il était de 24,5 % aux Pays-Bas, 10,3 % en Pologne (RRECQ, 2021).
« Le problème, c’est que l’économie qui demeure principalement linéaire et extractive ne cesse de croître, donc les petites initiatives d’économie circulaire ne suffisent pas » selon Annie Levasseur, directrice scientifique du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire. Pour sa part, Marlybell Ochoa Miranda, HEC Montréal, confirme « Actuellement, il y a une douzaine de stratégies au Québec, mais elles sont peu utilisées ». (Dossier Enjeux climatiques, Le Devoir, 14 septembre 2025).
Le vrai équilibre entre l’économie et l’environnement est celui de revenir à un mode de vie respectant les capacités de la planète. Le défi est colossal et se doit d’être relevé. L’économie circulaire m’apparaît une voie à suivre.
Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date
Novembre 2025
