Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date

Les pays de la planète réunis en conférence à Paris en 2015 ont fixé le seuil d’adaptabilité au réchauffement climatique à 2℃ d’augmentation de la température moyenne planétaire au XXIe siècle.

Au-delà de ce seuil, il y a de très fortes probabilités que nous n’ayons plus le contrôle des effets du réchauffement et que nos vies personnelles et collectives soient tragiquement perturbées.

 

Rien n’indique que nous sommes sur la bonne voie !

Le constat de Claude Villeneuve, biologiste et directeur de la Chaire en éco-conseil de l’UQAC est clair :

« Si l’on en croit les tendances actuelles, il est beaucoup plus vraisemblable de se préparer à une augmentation de l’ordre de 4℃, voire plus. Il reste largement assez de carburants fossiles pour multiplier par sept la concentration atmosphérique en CO2. La population mondiale devra accueillir trois milliards de personnes de plus dans le présent siècle et, pour le moment tout le monde aspire à un niveau de vie « à l’occidentale », basé sur la consommation ».

L’on a vu dans une chronique précédente que notre mode de vie « à l’occidentale » au Canada requiert la capacité de production et d’élimination des déchets de 4,8 planètes-terre. Nous sommes dans le « top 10 » des pays les plus gourmands. À l’échelle de la planète, il faut actuellement 1,7 planètes-terre pour satisfaire les besoins de l’humanité.

 

Les avertissements du GIEC

En décembre 2015, à Paris, les 195 États signataires de la Convention-cadre sur les changements climatiques mettaient la barre à ne pas dépasser à 2℃, idéalement à 1,5℃ en avalisant l’Accord de Paris.

Puis, en octobre 2018, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) précisait les paramètres entourant le 1,5℃ à se donner comme cible :

  • les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1℃ sont déjà bien réelles;
  • toute augmentation supplémentaire accentue le risque de changements pérennes ou irréversibles tels que la disparition de certains écosystèmes;
  • limiter le réchauffement à 1,5℃ nécessiterait des transitions rapides et de grande envergure dans les domaines du territoire, de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment, du transport et de l’urbanisme;
  • du point de vue des lois de la physique et de la chimie, la limitation du réchauffement planétaire à 1,5℃ est possible mais avec des changements sans précédents;
  • pour rester sous les 1,5℃, il faudrait réduire les émissions de GES d’origine anthropique (provenant des activités humaines) de 45 % d’ici 2030 et, de plus, trouver le moyen d’éliminer les émissions restantes afin d’atteindre un bilan nul en 2050.

Mais les pays continuent de tergiverser.

 

Et la situation spécifique au Canada ?

En 2017, après la disette en recherches sur le climat de l’époque Harper, le gouvernement libéral a mis en place un mécanisme d’analyse nationale «Le Canada dans un climat en changement» impliquant trois ministères dont Environnement et changement climatique Canada axé sur les questions suivantes:

  • Comment le climat du Canada a-t-il changé à ce jour ?
  • Pourquoi ?
  • Quels sont les changements projetés pour l’avenir ?

 

Le premier rapport sortait en avril 2019. Voyons-en quelques éléments.

  •  Le réchauffement du Canada est, en moyenne, deux fois plus grand en ampleur que le réchauffement mondial. Le grand Nord se réchauffe davantage que le reste du Canada. Est-ce à dire que le Canada sera davantage chamboulé que les autres pays de la planète ?
  • Les précipitations de pluie et de neige augmentent et augmenteront au cours du XXIe siècle. Vers la fin du siècle, les accumulations de pluie devraient croitre au Nord mais diminuer au Sud;
  •  Les températures extrêmement chaudes sont devenues plus chaudes tandis que les températures extrêmes froides sont devenues moins froides d’où des risques plus grands de feux de forêt et de sécheresses. Les tempêtes plus importantes amèneront des dégats dus à l’érosion des berges;
  •  Au cours des trois dernières décennies, la proportion des régions terrestres et marines du Canada recouvertes de neige et de glace a diminué et les températures du pergélisol ont augmenté. Les glaciers pourraient perdre de 74 % à 96 % de leur volume d’ici la fin du siècle;
  • Des étés plus chauds augmenteront l’évaporation de l’eau de surface et contribueront à réduire la disponibilité de l’eau en été. Au printemps, les précipitations plus importantes s’ajouteront à la fonte des neiges entraînant des inondations plus précoces et plus dévastatrices;
  • Les océans qui bordent le Canada se sont réchauffés, sont déjà devenus plus acides et moins oxygénés provoquant des émissions supplémentaires de CO2.

 

Qu’advient-il au-delà de 2℃ ?

Si, au-delà de 2℃, il devient impossible de s’adapter, il ne restera que la tentative de minimiser les impacts dans une débandade mondiale du « sauve qui peut » pour la survie. Au rythme actuel, nous naviguons vers les 3 ou 4℃ d’augmentation !

Les experts nous avisent que les impacts seraient dramatiquement amplifiés selon les types d’effets et selon les régions que si on plafonnait à 2℃.

Surtout qu’à un certain stade, les phénomènes s’emballent, on parle alors de boucles de rétroaction où les effets d’une cause amplifient la cause elle-même. Il est alors presque impossible de prévoir les impacts sur les écosystèmes dont ceux sur nous les humains.

Depuis l’époque du Quaternaire (2,5 millions d’années), jamais nous n’aurions vu un réchauffement aussi rapide de 4℃ en un siècle.

Prend-on la chance de voir ce qui va arriver en se croisant les doigts ?