Collaboration spéciale de Yves Nantel
Ancien travailleur et militant de longue date à l’ACEF

De nouvelles données confirment l’augmentation des inégalités sociales dans le monde et ici au Québec. Selon l’économiste G. Zucman de l’université Berkeley, le 1 % des plus riches de la planète possède la moitié des richesses, alors que le 10 % des plus riches en contrôle 90 % !

Cette situation a cours au Québec. Dans le tableau ci-bas, l’on constate que le 1 % des plus riches a vu son revenu moyen passé de quelque 160 000 $ à 234 000 $ (+ de 46 %) en 10 ans alors que le revenu des 99 % restants est passé de quelque 28 000 $ à 31 400 $ (+ de 12 % seulement).

Ces inégalités sont les effets du débridement des lois du marché et de la globalisation de l’économie depuis une trentaine d’années.

 

 

Un danger pour la paix sociale

Cette situation est de plus en plus dénoncée. Pas seulement par les organismes de défense des personnes démunies mais aussi par les grands organismes internationaux tels que l’OCDE, la Banque mondiale, etc. Ils y voient un danger important pour la survie même du système économique actuel.

Ces écarts démesurés entre les riches et les pauvres sont un danger pour la paix sociale et pour la démocratie. D’autant plus que l’on constate que la loi et les politiques tendent vers la protection des plus riches, individus et entreprises.

Plus près de nous, l’ACEF constate cette situation aggravante :

  • par les difficultés grandissantes des personnes à bas revenus pour satisfaire leurs besoins de base;
  • par l’obligation des personnes de la « classe moyenne » de recourir au crédit pour maintenir leur niveau de vie, avec les dangers du surendettement qui les guettent au détour d’une augmentation des taux d’intérêt.

 

Des mesures pour redresser la situation

Il y a toute une panoplie de mesures que nos gouvernements peuvent utiliser pour diminuer les inégalités sociales : en voici quelques-unes.

Privilégier des politiques de redistribution directe, particulièrement envers les « en bas de l’échelle » des revenus

Pensons ici à l’assurance emploi, l’aide sociale ou encore à une fiscalité plus progressive. Ces mesures ont pour objectif de diminuer la pauvreté (qui se mesure en fonction du panier de consommation de base calculé par Statistique Canada) et de permettre aux plus démunis de vivre un peu plus décemment.

Privilégier l’investissement social

  • Valorisation de l’éducation secondaire et post secondaire du réseau public
  • Mesures d’employabilité
  • Maintien des soins de santé accessibles à tous et toutes
  • Garderies à prix abordable
  • Congés parentaux

L’investissement social est une mesure qui agit à plus long terme en vue d’assurer les chances égales à tous et toutes d’accéder au marché de l’emploi, d’occuper un emploi valorisant et de permettre la mobilité sociale i.e. cette faculté de progresser, de changer d’emploi en vue d’améliorer son sort.

Augmenter le salaire minimum à 15 $

L’Alberta et l’Ontario ont pris cette voie mais l’Ontario vient d’annoncer qu’il compensera par une réduction d’impôt les petites entreprises susceptibles d’être pénalisées par cette hausse, façon de faire payer l’ensemble des contribuables pour cette réduction des inégalités sociales. Le Québec traine de la patte avec un salaire minimum à 11,25 $ et sa possible indexation en fonction de l’évolution du salaire moyen.

Regrouper toutes les mesures de redistribution en un seul programme soit un Revenu minimum garanti (RMG)

Un comité d’experts mis sur pied par le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale vient de rejeter cette avenue et propose plutôt de bonifier les mesures actuelles de redistribution (mais si peu) et de renforcer la prime au travail pour les personnes actives sur le marché du travail mais avec de faibles revenus. Ce rejet a aussitôt été dénoncé par les partis d’opposition et les groupes de défense des personnes démunies.

S’attaquer à l’évasion fiscale

Et quand on pense inégalités sociales comment ne pas référer aux « Paradise Papers » sur l’évasion fiscale et l’évitement fiscal pratiqués depuis des années par une bonne part de ce 1 % des plus riches et qui font scandale actuellement ?

Si j’inclus cette situation c’est que, d’une part, ces riches privilégiés de notre province et du Canada se sont enrichis au détriment des autres citoyen-ne-s, en privant l’État de revenus importants. D’autre part, parce que la perception de ces revenus pourraient être utilisés dans le consolidation des mesures énoncées précédemment.

Voilà un endroit où il est possible de récupérer des argents et bonifier les budgets gouvernementaux.

 

Un engagement citoyen nécessaire

Nous assistons à un débat des plus importants pour le bien vivre en société dans ce XXIe siècle. La lutte aux inégalités sociales, ici et dans le reste du monde, est un défi aussi grand que celle aux changements climatiques.

Cette lutte commande un changement de culture, de vision du monde qu’il sera très difficile à implanter car elle met en cause les principes même du développement économique et elle demande de modifier nos habitudes de consommation.

Il s’agit de passer d’une société individualiste à une société solidaire ici, chez nous, mais aussi à l’échelle du monde.

Elle demande un engagement de tous les paliers de gouvernement et de tous les citoyen-ne-s de s’assurer de demeurer informé-e-s et de créer les pressions appropriées pour que ce défi de la réduction des inégalités sociales soit relevé avec une vision de justice sociale.

Ce sera un sujet chaud encore longtemps.