Le rapport du GIEC, paru en mars 2022, nous remet devant nos responsabilités face aux changements climatiques. Le réchauffement est en cours et, à ce jour, nous n’avons pas réussi à renverser la situation et les conséquences sont de plus en plus lourdes. Tout retard « nous fera rater la brève fenêtre d’opportunité nous permettant d’assurer un futur viable pour nous tous et qui se referme rapidement ».

Avec les engagements actuels de tous les pays, on se dirige vers un réchauffement de la planète d’au moins 2,7℃ alors que la cible acceptable est de 1,5 ℃. Ne pas rectifier le tir nous plongera dans l’irréversible et des risques de transformations majeures de la vie sur terre. Nous, les Humains, sommes particulièrement fragiles à ces transformations.

 

Liberté individuelle vs intérêt collectif

Avec la pandémie, les pays avaient le choix des moyens et chacun comptait sur la fermeture de leur frontière pour en garantir l’efficacité. Concernant les changements climatiques, il faut oublier cette mesure, l’atmosphère n’a pas de frontières ; ce qui veut dire que l’inaction des uns va contrecarrer l’action des autres.

Comme on l’a vu au Canada lors de la pandémie, une minorité de la population a décidé de faire primer leur liberté individuelle au détriment du bien commun: la liberté de contaminer les autres, la liberté de provoquer des décès, la liberté d’engorger davantage le réseau de la santé, la liberté de bloquer l’économie et j’en passe. Des sondages ont laissé voir que cette minorité aurait la sympathie de quelque 10 à 15 % de la population.

Des camionneurs non vaccinés, instrumentés par la droite radicale, ont décidé de manifester puis d’occuper des postes frontières et la ville d’Ottawa et de paralyser l’économie en opposition aux mesures sanitaires imposées par nos gouvernements. Il aura fallu tout un doigté policier et l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence pour venir à bout de cette occupation armée, armée de camions mastodontes.

Saurons-nous faire primer l’intérêt collectif en ce qui concerne les actions de lutte aux GES ?

 

Absence d’unité au niveau national

Qu’en sera-t-il lorsque les dérèglements du climat s’accélèreront et obligeront des mesures et des modifications importantes de nos styles de vie ? Les réactions de plusieurs provinces ne présagent rien de bon.

Les provinces dont les énergies fossiles comptent pour beaucoup dans leur économie ont tendance à prendre des attitudes climatosceptiques et à bouder les mesures proposées sur le plan pancanadien.

Elles invoquent leur autonomie, leur liberté de faire ce qu’elles veulent et alors de ne pas travailler de façon unifiée dans la lutte aux changements climatiques. Nous y trouvons l’Alberta, la plus grande émettrice de GES au Canada mais aussi l’Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba, toutes campées dans la frange conservatrice du pays, mais aussi le Québec bien que pour des raisons différentes.

L’Alberta tente même d’utiliser la tragédie ukrainienne pour justifier la continuité de l’exploitation de son pétrole et de son gaz avec comme conséquence la remise en cause de l’atteinte de la carboneutralité en 2050. Jason Kenney veut ressusciter le projet du pipeline Keystone XL vers les États-Unis. Au Québec, les promoteurs de la liquéfaction du gaz naturel en profitent pour remettre sur la table le projet GNL Québec.

Un des candidats importants à la course à la chefferie conservatrice, M. Poilièvre, a promis que s’il devenait premier ministre, il annulerait la taxe sur le carbone, reconnue internationalement comme essentielle.

Ce sont toutes des menaces déstabilisatrices de la nécessaire unité d’action devant l’urgence de la crise climatique.

 

Le surplace au niveau international

Malgré leur signature de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement du climat (CCNUCC), des pays restent sceptiques alors que d’autres se campent sur leurs intérêts particuliers. Les échecs répétés des réunions internationales (COP) et les cibles jamais atteintes en attestent.

À titre d’exemple, la Russie vient d’approuver la construction de la plus grande entreprise de transformation du gaz naturel au monde. Elle ne manifeste aucune intention de réduire ses émissions de GES malgré sa signature de la CCNUCC.

S’engageant dans la guerre contre l’Ukraine, elle met à mal la lutte au réchauffement climatique. De plus, elle engloutit des milliards en destruction de vies et d’infrastructures. Elle entraîne des pays à financer la riposte ukrainienne.

Devant cette agression, l’OTAN presse leurs membres à consentir 2 % de leur PIB dans la défense. Le Canada, afin de protéger son territoire arctique est appelé à des dépenses supplémentaires car la Russie reluque l’arctique canadien.

Tant d’argent gaspillé alors que la priorité devrait être la transition énergétique.

D’autre part, des pays importants oscillent au gré des élections entre le climatoscepticisme et la lutte au GES. À ce niveau, les États-Unis sont clairement fracturés en deux : si les Républicains l’emportent aux prochaines élections nous verrons des reculs comme ceux faits sous Donald Trump. La situation est similaire au Canada avec l’alternance du pouvoir entre les Libéraux et les Conservateurs.

Autre manifestation des lenteurs dans la lutte climatique, l’ONU, lors d’une réunion de 175 pays, vient de mandater un comité pour la rédaction, d’ici 2024, d’un Traité mondial contre la pollution plastique. Louable, mais si le passé se répète, on aboutira à un plan qui, si tout va bien, ne sera accepté qu’en 2025 et son exécution sera effective dans 4 ans, dans 5 ans.

 

Au-delà des cibles, l’inertie

Il est difficile d’être optimiste quant à la capacité des pays de la planète à s’engager résolument dans un plan de réhabilitation du climat.

La dégradation de la planète s’accentue et on ne réussit pas à l’endiguer. Les pays continueront à tergiverser, à établir des cibles qui ne seront pas respectées, à tenter d’obtenir des consensus que certains pays s’efforceront de saboter ou tout simplement d’ignorer, faisant primer leurs intérêts propres au détriment de l’intérêt collectif de la planète.

Des citoyens feront primer leur liberté individuelle, des provinces réclameront leur autonomie et des pays défendront leurs intérêts particuliers minant ainsi la nécessaire solidarité et unité d’action pour contrer la surcharge de GES sur notre planète.

Le GIEC nous en fait la preuve et nous le serine, le moment approche où il sera trop tard…et trop tard, ce sera trop tard.

Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date
Avril 2022