Texte de Yves Nantel
Bénévole et militant de longue date

La Coalition Avenir Québec s’est présentée aux élections en 2018 sans aucun programme spécifique relié aux changements climatiques. Elle a remporté la donne et gouverne depuis ce temps. Depuis, elle s’est amendée et s’est engagée à présenter un plan de réduction de GES en 2020. Voyons de quoi il en retourne à ce jour.

L’ONU, plus particulièrement les 194 pays signataires de la Convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques (CCNUCC), nous demande de réduire les GES de l’atmosphère de 45 % d’ici 2030 et de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. C’est à cette seule condition que nous pourrons éviter un emballement du climat et les conséquences qui s’ensuivraient sur l’ensemble des écosystèmes de la planète.

 

Une pente raide à remonter

Le Québec émettait dans l’atmosphère 78,6 millions de tonnes de GES en 2017. Ces émissions constituaient 11 % de toutes les émissions canadiennes.

Ce tableau démontre

  1. que les émissions de GES n’ont diminué que de 9 % de 1990 à 2017 alors que la cible était de 20 % d’ici 2020, ce qui donne 3 ans pour combler le 11 % manquant
  2. que le secteur à prioriser est définitivement le transport puisqu’il est le plus grand émetteur de GES et qu’au lieu de diminuer, ses émissions ont progressé de 23 % durant la même période.

Malgré le ralentissement des activités économiques dû à la pandémie, les

Experts s’entendent pour affirmer que la cible est pratiquement inatteignable. Donc échec des gouvernements antérieurs.

Soulignons qu’actuellement nous sommes à la fin de l’application du Plan d’action 2013-2020 et que le tableau précédent illustre la progression à la fin 2017. Ce n’est qu’en 2022 que nous pourrons évaluer son efficacité finale puisque les statistiques officielles sont en retard de 2 ans. Nous sommes donc à une étape charnière et Il incombe au gouvernement actuel de remettre le Québec sur la voie de l’accomplissement de nos objectifs.

Il faut comprendre au départ que le Québec a déjà une longueur d’avance sur les autres provinces et la majorité des pays car près de plus de 95% de son énergie électrique provient d’une énergie renouvelable, l’hydroélectricité. Imaginez, qu’à l’instar de provinces comme l’Alberta et la Nouvelle-Écosse, il fallait fermer des centrales au charbon et les reconvertir à l’énergie propre ?

 

Que compte faire le gouvernement face à cette situation ?

Le gouvernement réaffirme l’engagement des plans antérieurs de réduire de 37,5 % ses émissions de GES pour 2030 et d’atteindre 100 % en 2050.

Pour y arriver, il reconduit des mesures des programmes présents dans le Plan d’action 2013-2020. Ainsi, le marché du carbone qui s’adresse aux grandes entreprises émettrices de GES incluant le Québec et la Californie est maintenu de même que la taxe sur le carbone perçue à chaque plein d’essence ou d’achat d’un autre combustible (huile à chauffage, gaz naturel).

De plus, les programmes suivants sont maintenus, avec bonification de budget, jusqu’en 2026 : Roulez vert : rabais à l’achat d’un véhicule électrique, Chauffez vert : transition de l’huile à chauffage à l’électricité, ÉcoPerformance : aide au remplacement d’équipements polluants dans les d’entreprises.

Dans son Plan d’action 2020-2026 visant à réaliser la Politique-cadre d’électrification et de lutte contre les changements climatiques[1], le gouvernement de la CAQ compte prioriser l’électrification des transports publics. De grands chantiers devraient voir jour à Montréal, Québec, Gatineau, Laval, Montérégie, Longueuil. Création d’emplois et réduction de GES escomptées.

Il intervient aussi sur le secteur des déchets en publiant son Plan d’action 2019-2024 en matière de gestion des matières résiduelles, en février 2020 et sa Stratégie de valorisation de la matière organique 2020-2030, en juillet dernier. Ce sont des plans bien ficelés : actions à réaliser, indicateurs de résultats, cibles à atteindre et responsables imputables de la réalisation de chaque action et budget assigné. Ces plans seraient révisables à chaque année.

Pour réaliser ces actions, le projet de loi 44 présenté en octobre dernier transforme le Fonds vert en Fonds d’électrification et de changements climatiques et transfère toute la gouvernance au gouvernement en sabordant le Conseil de gestion du Fonds vert et Transition énergétique Québec. Le gouvernement s’approprie donc tous les leviers décisionnels dans l’application du Plan d’action.

Le cadre budgétaire présenté le 10 mars dernier ajoute une somme de 2,1 milliards aux 4,1 milliards perçus par la taxe carbone pour un total de 6,2 milliards pour la lutte aux changements climatiques jusqu’en 2026.

 

Au-delà des intentions, les chances de réalisations

Comme la mesure-phare est l’électrification des transports collectifs, le gouvernement compte sur l’engouement des consommateurs pour ce mode transport dans les grands centres et leurs banlieues pour qu’ils abandonnent l’auto individuelle et ainsi diminuer sensiblement les GES.

Mais il n’ose pas s’attaquer à la triste réalité québécoise où : « le nombre de camions légers (VUS, camionnettes et fourgonnettes) pour le transport de personnes sur les routes du Québec est passé d’environ 1,3 million à 1,9 million entre 2010 et 2017, soit une hausse de 45 % »[2] pendant que la masse des véhicules et la consommation de litres d’essence au 100 kilomètres augmentaient aussi entraînant une accélération des émissions de GES.

Pourtant la taxe sur le carbone existe depuis plus de 10 ans et le programme Roulez-vert depuis 2013, avec bien peu de résultats et surtout un grand bond en avant quant aux émissions de GES. Décidément, il faudra passer de l’incitation à la contrainte pour faire reculer cette boulimie pour les grosses cylindrées. Reconnaissons que ce pas sera difficile à franchir. Beaucoup d’éducation en perspective.

Devant la réforme de la gestion globale des actions de lutte aux changements climatiques (projet de loi 44) on peut rester incrédule devant cette centralisation de pouvoirs aux mains du gouvernement au lieu de confier la gestion à des acteurs « neutres politiquement » composés de spécialistes. Il faudrait un gouvernement des plus vertueux pour ne pas appliquer de considérations partisanes dans la gestion et la reddition de comptes de ces actions. Et nous n’avons pas cette assurance.

En ciblant les déchets (matières résiduelles), il cherche à réduire les 4,5 Mt éq. CO2 sur les 79 Mt (tous secteurs confondus) émis au Québec. On l’a dit, ces plans sont cohérents, bien planifiés et les suivre de près devrait donner de bons résultats. Mais on n’agit pas sur le principal émetteur de GES. La seule cible précisée est une réduction de seulement 270 000 tonnes éq .C02 (6 %) d’ici 2030 et concerne la valorisation de la matière organique.

Dans l’attente du Plan d’action 2020-2026 qui devrait préciser l’ensemble, le Ministre nous a assurés que la COVID-19 n’affecterait pas les budgets dédiés à la lutte aux changements climatiques. C’est à suivre.

 


[1] Bien que nous attendons la publication du Plan d’action, l’énoncé budgétaire présenté le 10 mars 2020 assigne des sommes pour sa mise en application, ceci nous permet d’en connaître les éléments.

[2] Bâtir une économie verte, Budget 2020-2021, ministère des Finances du Québec, 10 mars 2020